Primitif moderne, Bault produit un univers peuplé de créatures chimériques où animaux, humains,
machines et végétaux s’épousent et se mélangent dans des noces de couleurs saturées.
Chaque création est un espace de métissage technique et plastique né d’une peinture de l’urgence, en
écriture automatique.
Ses oeuvres murales mêlent le plus souvent acrylique et spray : le premier état ressemble à un ensemble
abstrait avant que, d’un trait craché n’apparaisse, dans son évidence, la figure.
Célébrant la peinture rupestre, ces créatures magiques questionnent le subconscient de notre époque
en mutation.
Ses productions d’atelier témoignent de cette même urgence. Toile, bois, papier permettent une grande
déclinaison d’approches et une grande variété de techniques : une forme de figuration libre « dans le
vent de l’art brut » (Dubuffet) et en mouvement.
Profusion de fétiches, de grigris, de masques nourrissent ce monde, le créolisant. Clous, ficelles,
vaisselle brisée s’agrègent à cette grammaire de l’hybridation, dont le projet est un tri sélectif dans la
masse du signifiant. Une peinture qui tend à l’objet, souvent tridimensionnelle, au langage brutal en
relation avec le support, qui dialogue avec les Arts Premiers.
Né à Rodez, Bault a gardé de son enfance rurale la connaissance précise des architectures végétales,
des anatomies entomologiques, qu’il combine avec un art consommé de la greffe.
Bault étudie aux Beaux-Arts d’Avignon puis aux Arts Décoratifs de Strasbourg. Outre le graffiti, qu’il
pratique depuis 1997, il y expérimente l’art vidéo, le graphisme, l’illustration, disciplines qu’il exercera
ensuite de nombreuses années.
Muraliste exclusif, il affirme désormais son style où la figure se substitue à la graphie. Son univers
onirique au surréalisme post-moderne l’installe très vite parmi les street-artistes les plus originaux. Des
murs de Paris, ses créatures gagnent ceux d’autres villes et continents, au fil de voyages riches en
rencontres et chocs esthétiques.
Aujourd’hui, il vit et travaille à Sète et à Paris. Ces territoires qu’il a sillonné produisent des labours
fructueux, dans une mixité de techniques en accumulations et samples, villes, banlieues, bidonvilles et
campagnes se collisionnent aux couleurs d’un hip-hop mâtiné de métal, à la fois fluide et grinçant.
Témoin d’un darwinisme dégénéré, abâtardi par la mutation mécanique et la quête d’augmentation,
Bault nous livre ses chimères, nouvelles tribus aux usages mal polis, dont la monstruosité trans-spéciste
au clinquant tropical étonne par la générosité de leurs aberrations.
L’acuité et l’ironie dont témoignent ces oeuvres sont la traduction plastique d’un regard aiguisé sur les
questionnements et les urgences qui agitent les sociétés contemporaines et leur environnement.
Jean-Jacques Valencak / Atelier JJV
24 avril 2019